Plans démoniaques [PV]

Clac.

Toujours le même bruit répétitif, mais dont on ne se lasse jamais. Le son produit par les fins talons des escarpins noirs d'une jolie demoiselle.
Une demoiselle, d'ailleurs, qui est actuellement en train de se torturer l'esprit, de réfléchir à un stratagème démoniaque. Un plan dont le principal objectif sera de détruire l'arrogance de sa camarade de chambre, d'anéantir son orgueil sans égal.
Rien que de penser à la monstruosité insolente, la fait frissonner de dégoût. A vrai dire, la dite « monstruosité » n'est pas réellement laide, mais sa beauté est entachée par son caractère. Une personnalité détestable, mais quasiment indestructible.
Et Merry en a parfaitement conscience. Par prudence, elle attendra d'avoir un allié docile, avant de tenter de parvenir à ses fins. D'ailleurs, sa future associée arrive dans le Pensionnat, mais ça, elle l'ignore encore.

La massive porte crisse. Un grincement perçant, intense. De quoi rendre les entrées discrètes impossibles. Comme tous les nouveaux arrivants anciennement nobles, l'aristocrate semble désappointée par le Hall aux allures funèbres, rien d'étonnant.

Seulement, celle-ci à un air de ressemblance avec Miss Lyan. Les deux jeunes filles ont les mêmes cheveux blonds, tels des poussières d'étoiles. Des émeraudes scintillantes qui constituent un regard chaleureux. Pour l'une, celle qui incarne la beauté même, les lèvres pulpeuses arborent un sourire éclatant, mais trompeur. L'autre, l'adorable poupée au visage enfantin, a l'air de désirer ardemment retrouver quelqu'un.
Même si Merry n'est pas la personne recherchée, elle s'adresse à sa future marionnette, celle qui l'aidera - peut-être inconsciemment - à détruire l'immondice.

« Bonjour, toi. Je me nomme Merenwen, mais tu peux m'appeler Merry. Ton air déçu m'indique que tu viens d'arriver, toi. Mais ne t'inquiètes pas. Je suis là depuis plusieurs jours, et je ne me suis toujours pas habituée à cet endroit. »

Phrase prononcée avec l'habituelle voix cristalline, agréable, même si elle semble sous-entendre « Endroit trop misérable, pour une personne de mon rang ». Le ton est velouté, et désire attirer la confiance, amadouer. Pour ensuite profiter.
Un sourire s'étire des lèvres, légèrement réhaussées de maquillage. Un sourire bienfaiteur, amical, destiné à berner.

Si la poupée angélique avait eu le don de lire dans les pensées, elle se serait éclipsée, telle un courant d'air froid, un souvenir.

Marie-Laure venait d'arriver au pensionnat, de mauvaise humeur : bien que sa Ferrari F360 Modena limousine ait été commandée spécialement pour le trajet afin de lui offrir un confort convenable, elle reçut la voiture deux heures de retard. Ajouté à cela le paysage infecte qui faillit lui arracher les yeux. Comment une telle monstruosité pouvait être tolérée ?

« Calme-toi, Marie-Laure... Rappelle-toi ton but principal, Lysle... »

C'est ce qu'elle pensait il y a quelques heures. Elle ne put résister de hurler d'effroi, tant les lieux étaient lugubres. Son majordome, qui l'avait accompagnée, portait ses valises, plutôt chargées.

Maquillage impeccable, cheveux coiffés, puis attachés habilement, l'air innocent adopté. La voilà prête pour entrer dans le pensionnat, et faire une magnifique impression. Elle marchait, essayant de garder une posture correcte sur ses talons aiguilles. Elle regardait de droite à gauche, apercevant la médiocrité du bâtiment et une cour misérable.

« Heum... On ne peut pas en demander beaucoup, à une cour, je suppose... »

Dans son grand sens du courage, Marie-Laure essayait de positiver tant bien que mal, en vain. Le Hall d'Entrée devait être plus charmant, peut-être... Charmant ? Dans un sens, il l'était, mais pas du même sens que la jeune noble, apparemment.
Un Hall d'une pauvreté, d'une banalité, d'une faiblesse insupportable. Elle dut se cramponner au majordome, qui tentait de retenir un cri de douleur, face aux griffes aiguisées de sa maîtresse.
Comment pourrait-elle vivre plus d'une heure dans ce trou ? Cela faisait maintenant plusieurs jours déjà que Lysle était partie. Etait-ce possible qu'elle puisse supporter une pareille infamie ? C'était consternant. Un tel déshonneur ne pouvait pas être tolérable. Elle ne resterait pas ici une seconde de plus, tant pis pour son objectif.

Son visage enfantin était défiguré par un rictus monstrueux... Même la poudre ne pouvait cacher l'horreur sur sa face. Son teint hâlé, couleur caramel, gâché par un Hall des plus misérables, source de déception totale pour la jeune von Teizshen. Etait-ce réellement un Hall, d'ailleurs ?

Une fille, cependant. Des cheveux dorés et des yeux émeraudes limpides, tout comme les siens, qui avait l'air de la regarder. Une domestique, sûrement. Elle s'approcha, d'une allure régulière, puis se présenta de manière anodine. Jolie à la vue, comme à l'oreille, elle possédait une voix mielleuse, agréable à l'écoute. Des manières plutôt négligées que l'on ne remarquait pas, suite à sa charmante figure.

« Ce n'est donc pas une domestique... Voilà qui est fort fâcheux... »

Elle la tutoyait... Quelle manque de délicatesse. Ne lui a-t-on jamais appris à montrer un respect aux aristocrates ? Marie-Laure soupira, mais se décida finalement à se présenter, à son tour, devant la beauté de son interlocutrice.

« Je me prénomme Marie-Laure von Teizshen. C'est un véritable honneur de te rencontrer. »

Une soprano, à la voix légère et tendre. Elle lui fit une révérence, plutôt banale, mais qui restait, néanmoins, quelque peu élégante.

« Je viens en effet d'arriver. Mais, passons ces futilités. Pourrais-tu m'indiquer le Hall d'Entrée ? Je crains que je ne me sois perdue, dans cette médiocrité. Je veux absolument regagner ma chambre. »